Un programme proposé par le Puzzle de Thionville, écrit et raconté par Ségolène Basso-Brusa, produit par JDcarré. Réalisation et illustration : Jérémy Durand.
Truite et Pingouin
Episode 2
Sur une petite route de campagne, Pingouin file à toute allure en portant le bocal de Truite : « on va trouver une nouvelle maison, je suis trop content ! ». Mais à l’intérieur du bocal, Truite est brinquebalée dans tous les sens à cause des remous… « Woohoohooh… tu pourrais ralentir un peu Pingouin, je commence à avoir le mal de mer, moi ! »
Compréhensif, Pingouin s’arrête net. Truite s’étale alors contre la vitre de son bocal, SPLASH ! « Euh, j’avais dit ralentir ‘’un peu’’… » Elle décolle ses écailles de la vitre, complètement sonnée, tandis que Pingouin s’excuse. Truite ouvre un œil, puis un autre, et découvre le paysage alentours : un immense champ de tournesols. « Waouh c’est trop beau ! »
Pingouin tourne la tête et voit le champ lui aussi. Il n’avait pas remarqué, tout concentré qu’il était sur sa course. Mais cette découverte l’enthousiasme bien moins que Truite. « Des soleils ! Des soleils partout ! On va fondre… Alerte générale ! » Pingouin tourne sur lui-même en panique. Dans son bocal, Truite virevolte à nouveau dans tous les sens. « C’est des tournesols Pingouin, pas des soleils ! », rectifie-t-elle, en plein tourbillon.
« Ah d’accord !», Pingouin est calmé, il s’arrête net. Cette fois Truite anticipe et se protège avec ses nageoires. « Hey, t’as vu Pingouin comme je contrôle trop bien mes virages maintenant ! ». Elle bondit de son bocal pour faire un check nageoire à Pingouin, mais il regarde ailleurs, il se prend la nageoire de Truite en pleine figure. « A chaque fois… » lance-t-il, tout trempé. Truite replonge dans son bocal, bredouille : « Désolée de te le dire Pingouin, mais t’es vraiment pas au point sur le check nageoire. »
Pingouin s’offusque, il était concentré sur les tournesols ! « D’ailleurs qu’est-ce que c’est au juste, des tournesols ? »
« Que je t’explique… », lance Truite de manière analytique. « Les tournesols sont des fleurs qu’on cultive pour leurs graines très riches en huile avec lesquelles on fait ensuite des salades. » Pingouin est trop impressionné, il ne connaît pas la moitié des mots ! « Des graines ? Des huiles ? Des salades ? Mais comment tu sais tout ça, Truite ? »
« Eh bien figures-toi – répond-elle – que le meuble sur lequel j’étais posé était à côté de la télé ! »
Pingouin ne comprend rien… « Faut vraiment tout t’expliquer hein ! – rétorque Truite – La télé c’est un grand carré qui te montre plein de choses qui existent ailleurs dans le monde. »
« Comme les tournesols !», dit Pingouin, tout fier. « Tout à fait, tout à fait ! » s’exclame Truite, ravie de voir qu’il a enfin compris quelque chose. Et elle ajoute que c’est grâce au soleil que ces fleurs arrivent à grandir, sa chaleur peut être très utile ! Mais il ne faut pas en abuser. C’est vrai que des fois Pingouin aime bien être un peu au soleil, c’est tout doux…
« Tout est une question d’équilibre dans la vie !», rétorque Truite, philosophe.
« Bon, et si on allait visiter ! » propose-t-elle en montrant le champ, « il y a peut-être notre maison qui nous attend ! »
Pingouin acquiesce, tout content.
Les deux compagnons de route s’enfoncent parmi les hautes fleurs. A l’intérieur, Pingouin se rend bien compte que les tournesols ne sont pas des soleils, car quand on est en dessous, il fait beaucoup plus frais.
Truite lui fait remarquer que c’est comme ça aussi qu’on connaît le monde, en expérimentant ! « Parce que la télé euh, ça va 5 minutes, et puis… »
Alors qu’elle est lancée dans son monologue, Pingouin repousse une feuille pour se frayer un passage, quand une ombre gigantesque le recouvre. Il lève la tête et tombe bec à bec avec une chose qu’il n’avait encore jamais vue. Il en lâche le bocal de Truite ! « Aaaah, Pingouin ! », hurle Truite. Heureusement, Pingouin la rattrape au dernier moment. « Qu’est-ce qui t’es arrivé ? HOC ! », demande Truite en ravalant sa propre bulle. Pingouin tend son aile et indique la chose effrayante. Truite tourne la tête et découvre un immense bonhomme en paille.
« Ben, c’est juste un épouvantail ! » Pingouin est bien d’accord, ce truc est épouvantable. « Mais non, un épou-van-tail ! – corrige Truite. – Bon, c’est vrai qu’ils sont censés faire peur, mais ils ne sont pas méchants. ». Truite propose à Pingouin de s’en approcher pour se rendre compte par lui-même. « Et expérimenter ? » demande Pingouin, pas très sûr d’en avoir envie. « Exactement ! » répond Truite. Les deux amis s’avancent.
Truite est tout à coup émue : « il ressemble comme deux gouttes d’eau au petit humain avec qui j’habitais ! Ça veut peut-être dire qu’il faut qu’on fasse notre nouvelle maison ici ! » Mais Pingouin a encore un petit peu peur… Truite le rassure, « les épouvantails sont faits pour effrayer les corbeaux, pas les pingouins. »
Une voix inconnue raisonne alors dans le lointain : « pas tous les corbeaux ! ». Et un gros oiseau tout noir se pose sur le bonhomme de paille. Il se présente. « Bonjour à vous, je suis Jacquot le corbeau, et ici c’est ma maison. »
Pingouin fait demi-tour immédiatement, « très bien, alors on vous laisse ! » Mais Truite l’arrête, elle a envie de parler avec Jacquot ! « Monsieur Jacquot, je croyais que les corbeaux avaient peur des épouvantails ? », demande-t-elle.
Le corbeau rigole, « plus maintenant ! On connait la combine. »
Truite est étonnée : elle ne savait pas ça. En effet, Jacquot est tellement habitué à son Emile qu’il n’en a plus peur du tout.
« Emile ? – demande Pingouin – c’est l’épouvantail ? » « Oui – répond Jacquot – Comme la première fois j’ai eu peur de lui, je lui ai donné ce prénom pour l’apprivoiser. » Pingouin trouve que ça lui va bien. On dirait presque qu’Emile sourit maintenant. « Merci pour la combine, M. Jacquot ! » dit Pingouin, amusé.
« Je crois que je n’ai plus peur de vivre ici ! », lance-t-il à Truite.
« Vous pouvez rester ! » leur confirme Jacquot, Emile accueille tout le monde chez lui ! Quand il y a de la place pour douze…
« Pour douze ? » interroge Truite.
Des croassements raisonnent alors au loin et tout un gang de corbeaux vient se poser sur Emile.
« Ben oui – répond Jacquot – On habite déjà à douze ! » Les autres oiseaux acquiescent et croassent en cœur. Comme ils sont nombreux, c’est vraiment très très fort… Pingouin et Truite ont mal aux oreilles. « Tu es sûr de ne plus avoir peur de vivre ici ? », hurle Truite. « Oh si – répond Pingouin – j’ai peur de devenir sourd ! »
Pingouin et Truite remercient Jacquot et ses copains, mais ils vont poursuivre leur route. Ils sentent que ce n’est pas encore ici, leur maison.